Qu'est-ce qu'un projet de société ?

Des voix de plus en plus nombreuses font remarquer à quel point la campagne présidentielle est absente de réels clivages qui permettraient aux électeurs de choisir. La dérive, somme toute logique, du processus électoral conduit les candidats à pratiquer le « marketing politique », qui consiste à n’aborder que les sujets qui préoccupent l’électorat dans le présent immédiat, en occultant complètement toute perspective à long terme, et à en dire le moins possible pour ne pas, justement, faire apparaître des clivages dont les adversaires politiques pourraient profiter.
Le clivage le plus évident, même s’il n’est jamais formulé explicitement, est l’opposition entre les défenseurs du mondialisme et les partisans de la souveraineté nationale. Mais le point faible de ces derniers, qu’il s’agisse du Front National, de l’UPR de François Asselineau ou de Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan, est d’expliquer le « contre », mais jamais le « pour ».
Car, enfin, les Français attendent autre chose que des promesses. Or ils sentent confusément qu’aucune d’entre elles n’a de chances d’aboutir si le pouvoir de l’argent n’est pas remis en cause. Et ils ne font pas confiance aux candidats qui proclament leur haine du pouvoir de la finance – Hollande, du temps de sa propre campagne, en était – sans proposer une réelle alternative. Or celle-ci porte un nom : le projet de société.
En résumé, personne ne s’aventure sur ce terrain, car cela supposerait de disposer d’une stratégie de prise du pouvoir autre qu’électorale. Pour le dire autrement, tant qu’on cherche avant tout à se faire élire, on ne peut pas énoncer des propositions qui nécessitent une préparation des esprits qui ne peut se faire que sur plusieurs années.
Un projet de société doit se positionner explicitement sur la nature du régime visé. Ne pas le faire, c’est accepter de rester sous le joug du mondialisme, donc, notamment, des puissances financières.
Voyons quelques traits essentiels de ce qu’on pourrait appeler un projet de société. Tout d’abord, le régime politique. Aristote distingue six types de régimes. Trois régimes visent l'intérêt commun (monarchie, aristocratie, république). Les trois autres (tyrannie, oligarchie, démocratie) sont des déviations, ou dégénérescences, des premiers. Comme il est plus facile de trouver un homme seul vertueux qu’une multitude, Aristote considère que le régime qui a le plus de chances de viser le bien commun est la monarchie. C’est d’ailleurs ce que confirmera plus tard Saint Thomas d’Aquin.
Il paraît étrange de lire chez Aristote que la démocratie est une dégénérescence de la république. Cela peut se comprendre quand on se réfère au principe de subsidiarité : tout le monde n’a pas la compétence pour se prononcer sur des sujets de société tels que la définition du mariage – un homme et une femme ou, au contraire, deux personnes du même sexe – ou l’euthanasie, pour ne citer que ces deux exemples. Donner à une population entière le pouvoir de se prononcer sur de tels sujets ne  peut conduire qu’à la dépravation morale, et c’est ce que vit la France aujourd’hui.
Un deuxième critère définissant un projet de société est l’option en faveur de la souveraineté nationale ou, au contraire, l’acceptation d’un pouvoir dépassant le cadre du pays, ce qui est le cas pour la France aujourd’hui, du fait de son intégration dans l’Union Européenne et dans l’OTAN. Mais il ne suffit pas de se déclarer en faveur de la souveraineté nationale. Encore faut-il s’en donner les moyens. Or il en est un incontournable : le pouvoir régalien de battre monnaie. Quiconque n’aborde pas cette question ne fait que promettre des châteaux en Espagne.
Enfin, un troisième critère qui nous paraît important est la répartition des pouvoirs. Depuis 1789, on nous fait croire que c’est le peuple qui a le pouvoir. Or c’est totalement faux. La république, telle qu’elle fonctionne en France et dans tous les pays occidentaux, est le règne de la manipulation. Il suffit de voir la puissance des media. Citons l’exemple récent des Etats-Unis : au cours de la campagne présidentielle, 200 journaux faisaient de la propagande en faveur d’Hillary Clinton, et seulement 6 en faveur de Donald Trump. Ce n’est pas la démocratie, au sens commun du terme.
Il y a trois décisions à prendre en ce qui concerne la répartition des pouvoirs : 1) existe-t-il un organe de pouvoir qui ne dépende pas des élections ? Cela existe dans la royauté mais non dans la république ; 2) y a-t-il un domaine pour le pouvoir régalien ? Dans la république, le président est le chef des armées ; c’est le seul pouvoir régalien ; s’il y a un roi, celui-ci dispose du pouvoir de battre monnaie, de nommer le ministre de la justice et est le maître en matière de défense intérieure et extérieure.
Voilà, pour l’essentiel, le contour de ce que peut être un projet de société. Nous sommes les seuls, en dehors du camp mondialiste, à en proposer un, avec la cohérence nécessaire à son efficacité.