Pourquoi revenir aux monnaies nationales

La proximité des élections européennes – en 2019 – impose de commencer en s’en occuper. Macron donne d’ailleurs l’exemple en prenant la décision de réunir en une seule les huit circonscriptions des précédentes élections.
En ce qui concerne la question monétaire, l’avantage d’une élection européenne est que celle-ci nous amène à nous poser la question d’une manière globale et non, comme ce fut le cas du « BREXIT », pour un pays particulier.
Plutôt que de limiter la question à l’alternative « pour ou contre le maintien de l’euro », il est bon de commencer par un rappel relatif à la théorie économique. Il existe en effet une loi, dite « triangle des incompatibilités de Mundell Fleming » qui énonce qu’on ne peut concilier ensemble un taux de change fixe, une politique monétaire autonome et une libre circulation des capitaux.  Ces 3 éléments ne peuvent s’accorder que 2 par 2. Il faut donc choisir  entre trois options :

  • a) Un taux de change fixe et une politique monétaire autonome mais renoncer à la libre circulation des capitaux.
  • b) Une politique monétaire autonome et la libre circulation des capitaux mais renoncer à un taux de change fixe.
  • c) La libre circulation des capitaux et un taux de change fixe mais renoncer à une politique monétaire autonome.

Avant 1990, la France se satisfaisait de la proposition (a). Sous l’impulsion des Etats-Unis, la grande partie des Etats adopta après 1971 la proposition (b). On adopta avec la monnaie unique la dernière proposition (c) à l’intérieur de la zone euro.
La recherche du bien commun commande qu’on revienne à la proposition (a). : un taux de change fixe et une politique monétaire autonome en renonçant à la libre circulation des capitaux.
Voyons cela en détail. Nous sommes en présence de trois objectifs : un taux de change fixe, une politique monétaire autonome et la libre circulation des capitaux. Prenons-les un à un.
Le taux de change fixe présente un avantage certain, ne serait-ce que pour les chefs d’entreprise qui seraient dans l’impossibilité de faire des prévisions si le taux de change des années à venir était inconnu.
La libre circulation des capitaux est un bienfait pour les multinationales qui peuvent ainsi pratiquer ce qu’on appelle « l’optimisation fiscale ». Elle consiste à positionner comptablement les bénéfices dans le pays qui a le taux d’imposition le plus faible. Mais c’est une catastrophe pour les particuliers, car elle permet la fuite légale des capitaux. Prenons l’exemple de la France : sans l’optimisation fiscale, les entreprises concernées, principalement le GAFA (Google – Apple – Facebook – Amazon), devraient payer à l’Etat français de l’ordre de 35 milliards d’euros par an. Cela nous permettrait, par exemple, de diviser par quatre les intérêts de la dette, qui se chiffrent à environ 45 milliards d’euros.

La libre circulation des capitaux est une calamité pour le peuple

Donc, si l’on adopte un taux de change fixe et que l’on refuse la libre circulation des capitaux, on est forcément conduit à une politique monétaire autonome.
Il est intéressant de constater que c’est aussi la conclusion à laquelle est arrivée Emmanuel Todd par un tout autre raisonnement. Dans son livre « L’illusion économique » (Gallimard 1998), il commence par analyser les pays selon la conception qu’ils ont de la famille. Il retient quatre modèles et constate qu’on arrive à établir que chaque pays se reconnait dans l’un des quatre modèles qu’il a identifiés. Ceux-ci se classent en deux catégories, selon que les parents laissent leurs enfants financer, ou pas, leurs propres études – ce qui conduit à un taux faible de diplômés de l’enseignement supérieur – ou que les parents encouragent et aident leurs enfants à aller le plus loin possible dans leurs études – ce qui conduit pour l’Allemagne et les pays scandinaves à un taux de 20% de diplômés de l’enseignement supérieur. Dans la troisième partie de son raisonnement, il fait le constat que les pays qui poussent leurs enfants le plus loin dans leurs études sont aussi ceux qui ont les meilleures performances économiques.
Pourquoi ce détour ? Pour montrer l’importance du rôle joué par les familles dans le développement économique du pays considéré. Emmanuel Todd fait alors remarquer que ce sont les familles qui consomment le plus, donc que deux pays à taux de natalité très différents auront aussi des croissances économiques très différentes. C’est bien ce qui se passe : les taux de natalité sont très différents selon les Etats : 1,9 enfant par femme en France (il en faudrait 2,1 pour que le renouvellement des générations soit assuré), mais seulement de l’ordre de 1,3 à 1,5 dans la plupart des autres pays européens, l’Allemagne et l’Italie par exemple. C’est pourquoi, conclut Emmanuel Todd, la politique monétaire suivie par chaque pays doit aussi être différente.
Résumons-nous. Le fait que la France ne dispose pas d’une politique monétaire autonome lui crée un double handicap : la perte de 35 milliards d’euros de rentrée fiscale d’une part, un déficit commercial de plus de 50 milliards, alors que la France devrait avoir une balance commerciale positive d’au moins 100 milliards (c’est 200 milliards pour l’Allemagne), soit une perte sèche de 135 milliards. Rappelons que l’Etat français ajoute chaque année 180 milliards d’euros à la dette publique car il ne peut boucler son budget.
Une dette croissante d’une part, un retour à la prospérité d’autre part : le choix est simple !
Non seulement la France, mais la plupart des pays européens gagneraient à un retour à une monnaie nationale. Actuellement, seule l’Allemagne en profite, car le taux de change de l’euro a été déterminé dans ce but.

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