Défendre nos agriculteurs

On peut lire cette annonce, parue récemment dans la presse[1] : « Le SuperU de Devecey, commune proche de Besançon, vient d’acquérir une prairie de 5 hectares… pour engraisser ses bovins qui, une fois tués, seront découpés au détail par le boucher du supermarché ».
Voici donc un patron de grande surface qui réalise que, pour mieux servir ses clients et pour favoriser les circuits courts de distribution, une gestion commune de l’agriculture et de la distribution est nécessaire.
Nous savons bien qu’il s’agit là d’une exception et que, pour le plus grand malheur des agriculteurs, la grande distribution développe une politique économique ruinant ces derniers.

La France doit retrouver son indépendance alimentaire

Ce qui est en jeu, c’est l’indépendance alimentaire de la France. Alors que nous pouvions autrefois nous enorgueillir d’être autosuffisants au point de vue alimentaire, la situation s’est considérablement dégradée. Ainsi la France achète 43% de son lait et de ses fromages à l’Allemagne, alors que ce pays est spécialisé dans la machine-outil[2]. Elle achète aussi sa viande en Russie, en Nouvelle-Zélande, ses légumes en Espagne et ses fruits au Maroc.
Rappelons au passage que l’adhésion à l’OMC oblige tout pays à importer au moins 5% de ses besoins alimentaires, même s’il est capable de les produire lui-même. C’est ainsi qu’on assassine nos agriculteurs, ce qui est dans la logique du mondialisme qui ne veut surtout pas qu’un pays soit autonome de quelque façon que ce soit, surtout pour les produits de première nécessité comme l’alimentation.

L’ennemi, c’est le mondialisme

Le camp mondialiste est hyperpuissant. Sur le plan politique, c’est le tandem USA-Israël qui impose sa volonté, tout au moins dans le monde occidental, en y incluant le Japon dont il a imposé il y a vingt ans l’arrêt de toute croissance économique. Et c’est cette même politique qui impose la récession en Europe. Son fer de lance économique, c’est le cartel des grandes banques internationales, qui provoque les crises économiques, dont celle de 1929, au gré de sa propre stratégie. C’est aussi ce cartel qui impose aux Etats de s’endetter, ce qui lui assure une confortable rente annuelle grâce aux intérêts payés.
On ne peut pas lutter à armes égales avec un adversaire aussi puissant. La seule manière de réduire son pouvoir est de conquérir des espaces de liberté en grignotant ainsi, pierre par pierre, son territoire. Seules de larges mobilisations populaires peuvent le faire.
Il faut donc commencer par un bout, de préférence dans le domaine où les plus faibles sont attaqués, ce qui est le cas des agriculteurs. En effet toute la population française peut comprendre que c’est notre indépendance alimentaire qui est en jeu.

La logique d’un bon management…

Voyons la condition du paysan sous l’angle managérial. Il est clair que la paysannerie ne peut investir que si elle dispose de sources de financement. Pour cela, la manière logique dont procèdent les entreprises est soit la croissance externe, soit l’intégration verticale. Laissons de côté la croissance interne, impossible dans le cas concerné du fait d’une base économique trop faible. La croissance externe ne profite qu’aux gros. Reste l’intégration verticale.
Venons-en maintenant à la condition du paysan. Quand on interroge les paysans, ils répondent souvent qu’ils veulent simplement pouvoir pratiquer le juste prix et ne pas vivre de subventions.
Les deux constats débouchent sur la même conclusion : la solution au problème des prix agricoles – non seulement pour que le paysan puisse vivre décemment mais aussi pour qu’il puisse investir dans un sens qui profite non seulement à lui-même mais aussi à ses clients – la solution, donc, est l’intégration de la distribution dans sa propre activité. Il faut donc qu’une large mobilisation s’organise sur le mot d’ordre suivant :

« appropriation des grandes surfaces par les paysans »

Techniquement, cela pourrait se faire en deux temps : 1) nationalisation de la grande distribution ; 2) transfert de la propriété de la grande distribution aux coopératives agricoles. Cela va d’ailleurs dans le sens de ce que ces dernières pratiquent déjà, tout au moins celles d’entre elles qui ont pris des participations dans l’industrie agro-alimentaire.
Ensuite, il faudrait réfléchir à la manière de fonctionner. Si on écarte la recherche aveugle du profit, on peut imaginer que les nouvelles coopératives : 1) se répartiront géographiquement le marché ; 2) décideront d’acheter uniquement les produits français.
Venons-en à l’aspect politique. Une bataille sur ce mot d’ordre pourrait mobiliser non seulement les agriculteurs mais aussi toute la population française soucieuse de bien manger. Ce serait donc une manière de sortir les paysans de leur isolement et de redonner aux Français une occasion de se battre pour amorcer un réel changement de société.


[1] Le Figaro du 3 novembre 2014
[2] Henri Fouquereau : « Pour la France », 2013-2014