Pouvoir spirituel et pouvoir temporel

Plus de mille ans de royauté en France ont permis de mettre au point un système de gouvernement d’un pays « à deux têtes » : une tête spirituelle, représentée par l’Eglise, et une tête temporelle, représentée par le roi. Les autres monarchies européennes ont adopté le même principe, qu’on appelle « la théorie des deux glaives » en France et « la symphonie byzantine » en Russie. C’est d’ailleurs pourquoi le drapeau russe, notamment, comporte un aigle à deux têtes, justement pour symboliser cette forme particulière de pouvoir.
On a coutume de dire que ces deux pouvoirs sont distincts mais non séparés. Cela signifie que les deux pouvoirs ont pour référence le même Evangile, mais chacun dans sa sphère. A contrario, la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat a officialisé cette séparation, qui existait depuis la révolution française. Est-ce un progrès ?
Voyons ce qu’en disait le cardinal Ottaviani lors du Concile Vatican II[1] : « La doctrine traditionnelle de l’Eglise est que l’Etat ne peut être neutre en matière religieuse, puisque l’indifférence de l’Etat en matière de religion est contraire à sa nature même. L’Etat est en effet une société naturelle dont la fin est le bien commun des citoyens. En conséquence, il appartient à la nature de l’Etat le soin du bien commun tout entier (en tant que temporel sur cette terre). Or le bien commun couvre un champ beaucoup plus vaste que l’ordre public. Il est constitué par d’autres biens très importants, comme sont la vérité et la vertu, ainsi que la juste place des citoyens et de la société devant Dieu, auteur de la société. Et donc il  appartient à la fin naturelle de l’Etat de procurer la vraie religion, de la conserver, de la défendre. D’où il suit que les limites à la liberté religieuse ne sont pas seulement les nécessités d’ordre public, mais aussi et surtout les nécessités de la vraie religion ». Et il ajoute :  « je dis donc qu’il faut inscrire (dans les textes du Concile) l’affirmation solennelle que l’Eglise catholique a un droit vrai, natif et objectif à sa liberté, parce qu’elle est divine dans son origine et sa mission. (…) Le Christ et l’Eglise peuvent imposer une obligation morale, et dans les questions religieuses, qui obligent en conscience ».
Autrement dit, l’Etat a pour vocation d’élever spirituellement les hommes, et ceci ne peut se faire sans la religion. C’est là que se trouve la justification de ce pouvoir à deux têtes. Le régime républicain est donc une régression, ce que confirment aujourd’hui la perte du sens moral et la dégradation des mœurs.
Et la religion dont il est question ne peut être que le christianisme, car c’est la seule religion qui a développé cette théorie des deux glaives, alors que le judaïsme et l’islam confondent les pouvoirs spirituel et temporel, ce qui conduit à la dictature de la théocratie.

LE POUVOIR SPIRITUEL

Mais nous ne sommes plus à l’époque de l’omniprésence de l’Eglise. De plus, l’ombre du Concile Vatican II pèse sur la façon de mettre en œuvre la théorie des deux glaives aujourd’hui. En fait, on recense 202 hérésies dans les textes issus de Vatican II ou en découlant. Ce sont tout d’abord des erreurs théologiques que l’on discerne à travers ce qu’en disent ses acteurs. Par exemple le Père Congar qui vante le texte Ecclesiam suam en le présentant comme « une véritable déclaration de première acceptation de l’homme moderne et du primat de l’anthropologie », alors que Jésus disait : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi » (Jean 14, 6). C’est aussi le discours du pape Paul VI à l’ONU (4 octobre 1965), qui déclare que l’ONU « représente le chemin obligé de la civilisation moderne et de la Paix mondiale », alors que, comme le dit Jésus, il ne peut y avoir la paix mondiale que lorsque le monde entier sera converti au Christ. C’est encore l’engagement pris secrètement par Jean XXIII au pacte de Metz, en 1962, de ne pas condamner le communisme lors du concile Vatican II. Cette absence de condamnation a permis que de jeunes catholiques aient cru possible de concilier le marxisme et le christianisme, ce qui est une des causes du mouvement de Mai 68.
C’est enfin le Père Henri de Lubac, pourtant un des modernistes pendant le Concile, qui critique violemment Vatican II lors de sa conférence du 29 mai 1969, notamment « l’ouverture au monde de Gaudium et Spes (qui) devient un éloignement de l’Evangile, un rejet de la Croix du Christ, une marche au sécularisme, un laisser-aller de la foi et des mœurs, bref une dissolution du monde, une abdication, une perte d’identité, c’est-à-dire la trahison de notre devoir envers le monde ».
Le drame de Vatican II tient essentiellement au fait qu’une vaste conspiration a été organisée ayant pour objectif, au nom d’un prétendu œcuménisme, de conduire l’Eglise, comme si elle était un parti politique, à se débarrasser de certains dogmes jugés inacceptables, en particulier par les protestants. Par exemple la place de la Tradition dans l’Eglise catholique, inexistante chez les protestants, et le rôle particulier de la Sainte Vierge, également rejeté par les protestants.
C’est pourquoi le GRIPP soutient la « théorie des deux glaives », mais avec discernement en ce qui concerne le pouvoir spirituel.

LE POUVOIR TEMPOREL

Nous savons que les rois de France ont progressivement établi ce qu’on appelle « les lois fondamentales ». Celles-ci érigent en principe, notamment, le fait qu’à la mort du roi, son successeur est, d’office, le premier né masculin dans la généalogie. Elles décrètent également que le roi est nécessairement catholique. Actuellement, c’est le Duc d’Anjou, futur Louis XX, qui est prêt à s’installer sur le trône.
Quelles en sont les conséquences sur la vie politique ?
Tout d’abord cela évite bien des débats oiseux, tels que nous les connaissons aujourd’hui, sur le « mariage » des homosexuels, la PMA, la GPA, l’euthanasie, la recherche sur les embryons, autant de thèmes qui ressortent de la loi naturelle, sans même, bien souvent, qu’il soit nécessaire de faire appel aux positions de l’Eglise en la matière. Le roi, en tant que « lieutenant de Dieu sur terre », est apte à prendre la bonne décision sur ces questions de société.
Cela permet – autre exemple – de disposer d’un arbitre indépendant, le roi en l’occurrence, pour résoudre les conflits entre justice et police tels que, malheureusement, nous les connaissons ces dernières années.
Cela permet aussi de ne pas laisser le pays subir l’invasion lente mais déterminée de l’islam dans la vie publique. Dire qu’il a fallu cinq ans pour qu’enfin la crèche Babyloup soit reconnue dans son plein droit de licencier une employée qui avait décidé de venir travailler voilée ! Qu’on arrête aussi de subir les pressions de musulmans qui veulent imposer la nourriture hallal dans les établissements scolaires, la séparation des hommes et des femmes dans les piscines municipales et que les soins médicaux dans les hôpitaux soient exclusivement effectuées par des femmes-médecin quand le patient est une femme.
Cela permet également d’assurer le maintien de la souveraineté nationale – ce que nous avons perdu avec le Traité de Lisbonne – et en particulier de ne pas laisser notre pays se désindustrialiser, puisque le roi a la responsabilité de protéger notre patrimoine national.
Cela permet encore – n’oublions pas la diplomatie qui, de tous temps, joue un rôle important dans le rayonnement de notre pays dans le monde – d’avoir une vision à long terme sur notre politique étrangère. En particulier, il est nécessaire que le budget de la défense nationale passe à 3% du PIB ce qui, outre un plus grand respect de la France sur la scène internationale, permettrait de relancer notre industrie et la recherche. Or, sous la république, aucun homme politique n’aura le courage de prendre une telle décision, à moins d’une menace d’invasion immédiate ou autre événement équivalent.
Rappelons, pour conclure, qu’au début du XXème siècle – il n’y a donc pas si longtemps – la totalité des évêques français étaient monarchistes. Ce fut, malheureusement, encore un exemple de compromission de l’Eglise avec le modernisme : le pape Léon XIII ordonna aux évêques d’accepter la république comme un fait établi. C’est ce qu’on a appelé le « Ralliement ». Le résultat est que, un siècle après, les évêques français sont pour la plupart de gauche, ce qui légitime l’option socialiste aux yeux de nombreux catholiques, qui ne comprennent pas l’incompatibilité entre le marxisme et la foi chrétienne.


[1] Roberto de Mattei : « Vatican II, une histoire à écrire », Muller, mai 2013.