Faut-il revenir à l'étalon or ?

Il a fallu près de cinquante ans au cartel des grandes banques internationales pour réussir à se débarrasser de l’étalon or, que celles-ci considéraient comme un frein à leur développement. Ceci s’est fait en trois étapes[1]. Dans un premier temps, en 1934, Roosevelt fit passer un décret interdisant la convertibilité en or dans les banques : le dollar avait toujours son équivalent en or – au prix officiel de 35 dollars l’once – mais les particuliers ne pouvaient plus récupérer de l’or en échange de leurs dollars. En même temps, la circulation des pièces d’or et leur échange étaient interdits aux Etats-Unis.
La deuxième étape eut lieu en 1944, lors de la mise en place du système de Bretton Woods : le dollar conservait sa convertibilité en or, mais la monnaie clé était désormais le dollar. L’échange de dollars contre de l’or était possible, mais seulement au niveau international. La troisième étape, qui donna le coup de grâce à l’étalon or, fut la décision de Nixon en 1971 de déclarer que le dollar n’a plus aucun lien avec l’or.
Pour nous qui vivons au XXIème siècle, il est facile de comprendre pourquoi le pouvoir mondialiste a décidé d’abandonner l’étalon-or. Il y trouve en effet un double avantage : permettre à son bras armé, les Etats-Unis, 1) d’imposer le dollar comme monnaie des échanges internationaux ; 2) de faire varier son cours à son gré et, ainsi, acheter les produits et services avec une monnaie de plus en plus dépréciée.
Les avantages de l’étalon or
Rappelons tout d’abord que le bon sens le plus élémentaire commande à l’esprit de définir une unité de mesure pour la monnaie fiduciaire, celle qui, étymologiquement, est basée sur la confiance. C’est la raison pour laquelle, pendant des millénaires, on a utilisé un métal, le plus souvent l’or ou l’argent, comme instrument de mesure. C’est seulement dans des périodes historiques très particulières que la valeur de la monnaie en circulation n’était garantie que par l’engagement d’un gouvernement. Ce fut par exemple le cas dans la période de la guerre de sécession aux Etats-Unis, pendant laquelle Lincoln, faute d’obtenir des prêts des banques, a créé ex nihilo une masse monétaire de 450 millions de dollars. Les banques ne le lui ont pas pardonné, et il a été assassiné au sortir de la guerre.
Le principal avantage de l’étalon or est la stabilité des prix. Ainsi, en Angleterre, pendant 250 ans, dans la période allant de 1664 à 1914, les prix sont restés relativement stables. A tel point qu’en 1914 le pouvoir d’achat de la livre était plus fort que ce qu’il était deux cent cinquante ans plus tôt !
Il en alla de même dans la plupart des pays européens qui parvinrent à conserver une monnaie très stable alors qu’ils passèrent d’une économie agricole à une économie industrielle. Par exemple, le franc français a connu 100 ans de stabilité entre 1814 et 1914. Dans la même période (1816-1914), le florin néerlandais a connu 98 ans de stabilité et les francs suisse et belge respectivement 86 et 82 ans de stabilité.
Un autre avantage important de l’étalon or est qu’il est neutre politiquement. Ainsi, aucun pays ne peut durablement avoir une balance commerciale déficitaire, comme c’est le cas des Etats-Unis depuis 1971. Aujourd’hui les Etats-Unis achètent toutes sortes de produits et services dans le monde et paient avec une « monnaie de singe », puisqu’ils font marcher systématiquement la planche à billets sans aucune contrepartie. Dans un système d’étalon or, le marché mondial aurait automatiquement déprécié le dollar et l’Etat américain aurait été contraint d’entériner cette dépréciation par une dévaluation officielle du dollar.
Rappelons au passage qu’une variation du prix de l’or sur le marché mondial n’a, mathématiquement, aucune incidence sur les taux de change. En effet si, par exemple, un franc suisse vaut deux francs français, ce rapport de 1 à 2 reste vrai puisqu’il est basé sur un poids d’or et non sur son prix. Donc, même si le prix de l’or change, ce rapport de 1 à 2 est maintenu.
Que répondre aux critiques faites à l’étalon or ?
Comme nous l’avons vu plus haut, les adversaires de l’étalon or sont avant tout les grandes banques internationales. Lesquelles sont en connivence politique étroite avec l’Etat américain qui, lui aussi, trouve un énorme avantage à ne pas revenir à l’étalon or.
Il existe essentiellement deux objections : 1) le retour à l’étalon or avantagera les pays qui en détiennent le plus et, en particulier, ceux qui produisent de l’or ; 2) l’augmentation de la production d’or ne peut pas suivre le PIB mondial et, par conséquent, le retour à l’étalon or ne peut que provoquer la récession, du fait d’une masse monétaire insuffisante qui bride la production.
En ce qui concerne le premier point, il faut utiliser avec beaucoup de réserves les chiffres officiels des réserves mondiales d’or car, si les Etats-Unis arrivent en tête avec près de 32 000 tonnes d’or, on sait que le gouvernement américain a utilisé de l’or qui ne lui appartenait pas pour diverses opérations commerciales, ce de façon tout à fait illicite. Ainsi l’Allemagne réclame depuis plusieurs années la restitution de son stock d’or déposé aux Etats-Unis, lesquels font le mort et refusent de le restituer. On sait par ailleurs que la Chine, très secrètement, accumule de l’or depuis plusieurs années, avec le projet, au moment qu’elle jugera bon, de rétablir l’étalon or et faire du renminbi la monnaie officielle des échanges internationaux.
En réalité, ce qui fait la puissance d’un pays, c’est son économie. Par conséquent, entre un pays A ayant une balance commerciale très positive et peu d’or et un pays B dont l’économie est faible, mais producteur d’or, c’est le pays A qui a l’avantage car il achètera à B ou sur le marché mondial l’or dont il a besoin pour garantir sa monnaie.
Venons-en au deuxième point, qui est plus délicat. Distinguons deux cas de figure. Dans le premier, nous faisons l’hypothèse que la production mondiale d’or ne varie pas tandis que le PIB de tous les pays augmente de 2%. Il suffit alors que le prix de l’or augmente de 2% pour que le stock d’or de chaque Etat corresponde exactement à la nouvelle valeur de la masse monétaire de chaque pays et qu’ainsi il n’y ait ni inflation ni déflation. C’est ce qui se produira naturellement par le simple mécanisme du marché.
Etudions maintenant le deuxième cas. Nous faisons l’hypothèse supplémentaire qu’un seul pays, la France par exemple, a une croissance plus forte que celle de ses voisins, par exemple de 4%, alors que la moyenne mondiale est de 2%, sans que le stock mondial d’or ait augmenté, comme dans le cas précédent. Tout se passe comme si la croissance française était de 2%, alors qu’elle est nulle pour les autres pays. Dans ce cas, la France doit augmenter sa masse monétaire de 2%. Mais le stock d’or de la Banque de France se trouve alors être en déficit de 2% par rapport à la masse monétaire du pays. La France doit donc acheter de l’or afin d’augmenter son stock d’or de 2%. Elle  l’achètera à prix du marché inchangé puisque, la croissance moyenne mondiale étant de 2% alors que celle de la France est de 4%, d’autres pays ont une croissance nulle. Il n’y aura donc pas de pression à la hausse sur le prix de l’or puisque d’autres pays seront contraints de vendre leur or pour éviter une réévaluation de leur monnaie.
Bien sûr, la réalité sera en général plus complexe et ce sera le rôle du directeur de la Banque de France de gérer la masse monétaire du pays en fonction de l’environnement extérieur. Des considérations politiques peuvent aussi entrer en ligne de compte, ce qui peut l’amener à prendre des décisions qui ne soient pas aussi mécaniques que dans les schémas ci-dessus. Bien entendu, nous raisonnons en considérant que l’Etat français aura retrouvé son pouvoir régalien de battre monnaie. En pratique – et c’est ce qu’il nous faut retenir – la Banque de France pourra différer son achat d’or dans le temps, du moment qu’elle s’engage à rembourser toute personne qui demanderait la contre partie en or de ses devises.
Soumission au dollar ou guerre mondiale
En conclusion, c’est dans l’intérêt des peuples que tous les pays retrouvent leur indépendance en matière de politique monétaire et que les échanges de biens et de services entre Etats soient équitables, ce qui ne peut se faire que par un retour à l’étalon or.
Certes, la voie reste ouverte à une attaque spéculative contre le franc. Cela ne peut être exclu. La France seule n’a pas les moyens d’y résister. La seule solution est de couler financièrement le cartel des banques internationales qui détient son pouvoir de la suprématie du dollar. C’est ce que vise, semble-t-il, la Chine. D’ores et déjà, le marché asiatique s’organise pour pratiquer ses échanges commerciaux en devises locales et non en dollars. La logique est que la Chine décrète un jour prochain que sa monnaie, le renminbi, est convertible en or, ce qui ruinerait les Etats-Unis et les banques internationales. Nous serons alors à la veille d’une troisième guerre mondiale.
Mais la France ne doit pas compter sur la Chine mais sur ses propres moyens. En cas d’attaque spéculative contre le franc, elle sera obligée de décréter la non convertibilité de sa monnaie, ce qui bloque ses importations, à moins de s’y préparer en passant les alliances appropriées avec des Etats amis, la Russie et les pays de la Francophonie notamment.

[1] Hongbing Song : « la guerre des monnaies », Le retour aux sources 2013